Balzac (1799-1850)

Biographie

BALZAC(Tours 1799- Paris 1850).
Honoré de Balzac est né le 20 mai 1799 à Tours où il était issu d'une famille bourgeoise car son père était directeur des vivres de la 22ème division militaire de Tours. Il aura deux soeurs et un frère. A huit ans, Balzac fut envoyé au collège de Vendôme où il sera pensionnaire. Il vécut une expérience traumatisante qui donna lieu à l'oeuvre Louis Lambert en 1832. Au début, Balzac était destiné à la carrière de Notaire selon les souhaits de sa mère. Cependant, en 1818, il avoua à ses parents qu'il désirait devenir écrivain et il bénéficia d'une année pour mettre à l'épreuve sa nouvelle vocation.
Cromwell fut le premier essai qu'il écrivit mais cette tragédie ne reçut que peu d'encouragements par la famille et les amis. C'est pourquoi il produisit ses premières oeuvres en partenariat avec d'autres auteurs et sous un pseudonyme.

En 1826, Balzac se fit également éditeur puis imprimeur et contracta un grand nombre de dettes (environ 100 000 francs). C'est pour pouvoir rembourser toutes ses dettes qu'il devint journaliste dans La Silhouette, La Caricature mais aussi La Chronique de Paris en 1836. A partir de cette date, la plupart des romans de Balzac furent d'abord publiés en feuilleton avant d'être édités en volume.
Dès lors, il ne vécut que pour la littérature et à un rythme de forcené.

Le Dernier Chouan ou Le Bretagne fut le premier roman que Balzac signa de son vrai nom, en 1800. Ce fut un échec commercial mais il avait fait le premier pas en le signant. Le génie balzacien arriva en octobre 1829 quand Balzac rédigea La Maison du chat qui pelote. Enfin, apparut le premier tome de Scènes de la vie privée avec un ensemble de textes tels que La Vendetta qui raconte l'histoire de Ginevra, jeune fille corse, amoureuse de Luigi Porta dont la famille fut massacrée par le propre père de Ginevra, le texte Gosbeck, Une double famille et Le Bal des Sceaux.

En mai 1832, apparut le second tome. De l'ensemble se détachèrent surtout deux romans : Le Colonel Chabert et Le Curé de Tours. Ce furent les deux premiers grands drames de la vie privée qu'écrivit Balzac.

En 1832, l'auteur annonç;a à une mystérieuse correspondante du nom de la comtesse Eve Hanska l'oeuvre Eugénie Grandet. Cette histoire parle d'une jeune fille, Eugénie Grandet, qui tombera amoureuse de son cousin de Paris, Charles Grandet. Son père qui est très avare va vite mettre fin à cette courte idylle. M. et Mme Grandet meurent et Eugénie garde la fortune. Après sept ans d'attente pour Charles, elle apprendra qu'il ne veut plus d'elle. La riche héritière, devenue très avare comme son père, épousera un président de la cour en premières noces et un marquis en secondes noces. Après avoir longuement correspondu avec Eve Hanska, Balzac la rencontra en septembre 1833 et devint son amant. Cette liaison se terminera par un mariage. La correspondance qu'ils échangèrent dans le passé fournit de précieux renseignements sur l'élaboration de La Comédie Humaine.

En 1842, pour la première fois, une édition de La Comédie Humaine apparut de façon complète. C'est alors que l'oeuvre ne cessa de s'enrichir.

En 1845, Balzac chercha à donner une structure plus ferme à La Comédie Humaine et décida que l'oeuvre complète comprendrait cent trente-sept romans, qu'il groupa en trois parties, "étude de moeurs ", "études philosophiques " et "études analytiques".
Atteint de crises cardiaques successives, d'étouffements et de bronchites, Balzac mourut le 18 août 1850, peu de temps après avoir épousé Eve Hanska.

Analyse: "LE PERE GORIOT"

I. L'HISTOIRE
Eugène de Rastignac, issu d'une famille de petite noblesse provinciale, venu étudier le droit à Paris depuis les environs d'Angoulême (comme le Lucien de Rubempré d'Illusions perdues), habite une modeste chambre dans la pension de madame Vauquer, rue Neuve-Sainte-Geneviève. Il y fait la connaissance de Goriot, un bourgeois retiré des affaires, un marchand de vermicelle enrichi sous la Révolution par des spéculations, et celle de Vautrin, un forçat évadé en lutte, silencieuse mais implacable, contre l'ordre social. Il y croise en outre Victorine Taillefer, une jeune fille abandonnée par son père, et se lie d'amitié avec Horace Bianchon, futur médecin. Par sa cousine, la vicomtesse de Beauséant, il s'introduit dans la haute société du faubourg Saint-Germain, y commet ses premiers faux pas en y gagnant son expérience, rencontre les filles de Goriot qui ont fait d'excellents mariages : la comtesse Restaud et la baronne de Nucingen, dont il devient l'amant.

Locataire de Mme Vauquer, protecteur de Goriot, protégé de Vautrin, ami de Bianchon, confident de Mme de Beauséant, soupirant d'Anastasie de Restaud, prétendant de Victorine Taillefer, amant de Delphine de Nucingen, Rastignac établit le contact entre les personnages et leurs intrigues, entre les lieux et les scènes multiples du roman dont l'histoire se fragmente en un drame à plusieurs destinées qui se croisent et se rejoignent sans s'opposer. Roman de formation ou histoire de l'ascension sociale d'un jeune homme (Rastignac), histoire de la déchéance d'un père trop aimant (Goriot), de la chute d'une grande dame (vicomtesse de Beauséant), de l'arrestation d'un révolté (Vautrin), histoire d'une pension bourgeoise (celle de madame Vauquer) qui se vide d'un coup de tous ses locataires – selon le point de vue – , le roman entretisse étroitement toutes ces dimensions.

II. HISTOIRE(S) DU TEXTE
Le fonds Lovenjoul conserve le manuscrit du roman (en fait une copie autographe, qui a servi à l'impression) sous la cote A 183 : 176 feuillets reliés, dédiés à Mme Hanska (c'est dans cette dédicace qu'on a découvert, sous une rature, la mention du « jour inoubliable » où ils devinrent amants). Du brouillon ne subsiste qu'une page de début, abandonnée (Lov. A 301 f° 220). Enfin, dans Lov. A 268, sont réunis divers documents, sur les éditions Werdet.
Le Catalogue de 1845 fait passer Le Père Goriot dans les Scènes de la vie privée, avant Le Colonel Chabert, ce que confirme le Furne corrigé qui porte d'allusives corrections en marge.

– Revue de Paris, en quatre livraisons, les dimanches 14, 28 décembre 1834, 18 janvier et 1er février 1835. La préface, datée « Paris, mars 1835 », paraît dans la livraison du dimanche 8 mars.

– Le Père Goriot. Histoire parisienne, Werdet et Spachmann, 2 vol. in-8 de 354 et 376 pages (B.F. 14 mars 1835). La table des matières compte sept chapitres : I. « Une pension bourgeoise »; II. « Les deux visites »; III. « L'entrée dans le monde »; IV. « L'entrée dans le monde (suite) »; V. « Trompe-la-Mort »; VI. « Les deux filles »; VII. « La mort du père ». Le dédoublement du chapitre intitulé « L'entrée dans le monde » est imposé par son débordement du premier volume sur le second. L'épigraphe apparaît sur la page de titre.

– Le Père Goriot. Histoire parisienne, Werdet et Spachmann, 2 vol. in-8 de 384 et 396 pages (B.F. 30 mai 1835).

Le texte ne compte plus que quatre parties réaménagées : I. « Une pension bourgeoise »; II. « L'entrée dans le monde »; III. « Trompe-la-Mort »; IV. « La mort du père ». Il est enrichi d'une seconde préface, datée « Meudon, 1er mai 1835 ». L'éditeur Werdet s'était réservé la possibilité de diviser le tirage de cette édition en deux, pour moitié dans le format in-8 et moitié dans le format in-12. Ce qu'il fit (voir ci-dessous).

– étude philosophique. Le Père Goriot, Au bureau du Figaro, 4 vol. in-12 (non enregistrés à la B.F.).

Les volumes in-12 fabriqués par Werdet en même temps que les exemplaires in-8 constituant la deuxième édition en librairie, ne furent pas mis en vente. Ils furent soldés par lui après le dépôt de son bilan le 17 mai 1837. Ils sont offerts en prime aux lecteurs de Figaro pour le renouvellement de l'abonnement trimestriel du 15 octobre 1837. Le texte n'a été ni revu ni corrigé. Il est en tous points identique à celui des volumes in-8, puisque l'un et l'autre sont simultanément issus de la même composition typographique.

– Le Père Goriot, Charpentier, 1 vol. in-18 de 390 pages (B.F. 16 mars 1839). Nouvelle édition cette fois effectivement revue et corrigée. Suppression de préfaces et de toutes les divisions.

– La Comédie humaine, 9e volume, tome I des Scènes de la vie parisienne, Furne, Dubochet et Cie, Hetzel, 1 vol. in-8 (B.F. 28 septembre 1844). Nouvelle édition : ajouts de la dédicace à Geoffroy Saint-Hilaire.

III. PERSONNAGES
Dans la première édition en librairie du Père Goriot (mars 1835), on compte vingt-trois personnages reparaissants. Balzac enrichit si bien sa technique au fil de la publication de ses oeuvres nouvelles et des rééditions de ses oeuvres anciennes que, au total, quarante-huit acteurs de La Comédie humaine reparaissent dans Le Père Goriot (voir la liste ci-jointe). Ce nombre extrêmement élevé en fait, pour le philosophe Alain, un de ces « carrefours où les personnages de La Comédie humaine se rencontrent, se saluent, et passent. De là vient qu'au lieu d'être dans un roman, on est dans dix » (Avec Balzac, Gallimard, 1937 [1935], p. 191); ou pour le romancier François Mauriac, « un rond-point. De là partent les grandes avenues qu'il [Balzac] a tracées dans sa forêt d'hommes » (Le Romancier et ses personnages, Presses Pocket, « Agora », 1990, p. 50-51).

Les principaux protagonistes du Père Goriot sont les personnages qui, dans La Comédie humaine, reparaissent le plus souvent : le baron Nucingen (trente-deux romans); Horace Bianchon, le médecin des grands personnages de La Comédie humaine (vingt-neuf romans); Henri de Marsay, futur premier ministre (vingt-neuf romans); Eugène de Rastignac (vingt-six romans). Vautrin, lui, est le héros dominant plusieurs oeuvres de Balzac -- ceci est une rareté qui vaut d'être soulignée : Le Père Goriot, Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes constituent, en effet, la trilogie centrale de l'oeuvre balzacienne.

Comment comprendre l'âpreté au gain d'Anastasie de Restaud, et son incapacité à venir au chevet de son père? Gobseck nous donne l'explication nécessaire. Comment entendre la perfidie des paroles de la duchesse de Langeais rendant visite à la vicomtesse de Beauséant? Son amertume nous est révélée par la menace qui pèse sur son amour : voir La Duchesse de Langeais. Comment connaître la trouble origine de la fortune de Taillefer? L'Auberge rouge dévoile ce secret, et dit ce que devient Victorine reconnue par son père. Veut-on savoir comment s'occupe la vicomtesse de Beauséant après avoir quitté Paris? Il faut lire La Femme abandonnée. C'est ainsi que Le Père Goriot estompe ses frontières, reporte ses dénouements, sursoit à ses conclusions, ajourne l'accomplissement du destin de ses personnages (hormis celui de Goriot), qui poursuivent de roman en roman leur chemin.

En outre, de nombreux personnages secondaires appartiennent comme le marquis de Ronquerolles et Maxime de Trailles, au personnel régulier de La Comédie humaine. Ils ouvrent dans La Comédie humaine de larges routes : la marquise d'Espard mène à L'Interdiction, la marquise Julie d'Aiglemont à La Femme de trente ans, la marquise de Listomère à étude de femme, la comtesse de Kergarout au Bal de Sceaux, madame de Lanty à Sarrasine, lady Brandon à La Grenadière, la duchesse Diane de Maufrigneuse au Cabinet des Antiques et aux Secrets de la princesse de Cadignan, le comte et la comtesse Restaud à Gobseck (où Derville raconte le dénouement de leur affaire), Gobseck, la duchesse de Langeais et madame Firmiani aux romans qui portent leurs noms, les frères Vandenesse au Lys dans la vallée et à Une fille d'Eve (Félix) et à La Femme de trente ans (Charles), le banquier Taillefer à L'Auberge rouge et à La Peau de chagrin, Berthe de Rochefide et le marquis d'Ajuda-Pinto à Béatrix, la comtesse Ferraud et Derville au Colonel Chabert, le comte de Sérisy à Un début dans la vie, le baron Auguste de Maulincour à Ferragus, Gondureau, sous le nom de Bibi-Lupin, à Splendeurs et misères des courtisanes, la baronne Delphine de Nucingen à La Maison Nucingen (et à seize autres débouchés).

A l'inverse, des personnages disparaissent. Ayant eu l'idée de faire de Eugène de Rastignac, personnage secondaire de La Peau de chagrin, le héros du Père Goriot qu'il est en train de rédiger, Balzac renvoie chez les morts « Eugène de Massiac » (au feuillet 43 de son manuscrit). Par un mouvement inverse, il exportera du Père Goriot vers La Peau de chagrin, Horace Bianchon, et condamnera Prosper, un médecin sans nom de famille, aux limbes des éditions de La Peau de chagrin antérieures au Père Goriot (Bianchon fait sa première apparition dans La Peau de chagrin dans la réédition de ce roman en 1838). Ainsi Frédéric Mauricey prend son chapeau et quitte L'Auberge rouge en 1837 pour faire place à Frédéric Taillefer, dans Le Père Goriot le père de Victorine. Ainsi, Rastignac, très reparaissant dans La Comédie humaine, nous l'avons dit, chasse un « M. de Saluces » du Bal de Sceaux, un « Ernest » de L'Interdiction, un « Ernest de M... » de étude de femme, etc.

– Liste des 48 personnages reparaissants du Père Goriot :

marquise Julie d'Aiglemont ; marquis Miguel d'Ajuda-Pinto ; vicomtesse de Beauséant ; vicomte de Beauséant ; Horace Bianchon ; Lady Brandon ; duchesse de Carigliano ; Derville ; marquise d'Espard ; comtesse Ferraud ; Fil-de-Soie ; madame Firmiani ; colonel Franchessini ; princesse Galathionne ; Gobseck ; Gondureau ; Goriot ; famille Grandlieu ; Jacques (valet de chambre) ; comtesse de Kergarout ; duchesse de Langeais ; madame de Lanty ; marquise de Listomère ; Henri de Marsay ; duchesse Diane de Maufrigneuse ; baron Auguste de Maulincour ;Maurice (serviteur) ; mademoiselle Michonneau ; marquis de Montriveau ; baron de Nucingen ; Delphine de Nucingen ; Poiret ; baron et baronne de Rastignac (parents d'Eugène) ; Eugène de Rastignac ; Laure de Rastignac (soeur d'Eugène) ; monseigneur Gabriel de Rastignac (frère d'Eugène) ; comte de Restaud ; Anastasie de Restaud ; Berthe de Rochefide ; marquis de Ronquerolles ; comtesse de Sérisy ; comte de Sérisy ; Jean-Frédéric Taillefer ; Victorine Taillefer ; Thérèse (femme de chambre) ; comte Maxime de Trailles ; famille Vandenesse ; Vautrin.

De ce paysage onomastique, retenons quelques figures, qui crèvent la page, et prennent chair et sens dans ce roman, trop riche, où trois « monstres sacrés » paraissent se disputer le premier rôle, Goriot, Rastignac et Vautrin (alias Jacques Collin).

– Jacques COLLIN : il a 40 ans en 1819. Il a fait de bonnes études chez les oratoriens, avant d'être envoyé au bagne pour un crime de faux dont il se laisse accuser pour sauver un très beau jeune homme. Sa vie bascule, il devient Trompe-la-mort, trésorier des bagnes et exerce son activité depuis la pension Vauquer, sous le nom de Vautrin. C'est Lucien et non Rastignac qui lui appartiendra (Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes). Sa réapparition en Carlos de Herrera sera spectaculaire.

– Jean-Joachim GORIOT : il a près de 70 ans en 1819. Il a fait partie des « accapareurs » pendant la Révolution, et fait fortune en spéculant sur les farines. Retiré à la Maison Vauquer, il devient « le père Goriot » et, pour le narrateur, « le Christ de la paternité ». Divers personnages en conservent, ailleurs, le souvenir.

– Eugène-Louis de RASTIGNAC : né à Rastignac, dans la Charente, la même année que Balzac, en 1799. Son parcours dans La Comédie humaine au-delà du Père Goriot ne va pas sans quelques difficultés d'identité. On peut néanmoins le suivre jusqu'en 1845 : il aura fait carrière (de manière foudroyante dans Le Député d'Arcis) et finira, dans Les Comédiens sans le savoir, pair de France et ministre de la Justice, avec 300 000 livres de rente.

– Mme VAUQUER : bien sûr, née de « Conflans » ; on ne saura jamais s'il s'agit d'une filiation ou d'une origine. Madame Vauquer a deux âges : le sien (une cinquantaine d'années) et celui qu'elle accepte, bien moindre... Mais la maison « Pension des deux sexes et autres » est elle aussi, comme on dit, un « personnage » !

Source : Le père Goriat